Radioscopie, France Inter - Jacques Chancel, 30 novembre 1971
Chez elle, il trouve, outre le gîte et le couvert - mais elle exige qu'il travaille - un piano sur lequel il s'use les doigts et les oreilles des voisins.
C'est depuis là que, tous les jours ou presque, il gagne la rue Mouton-Duvernet, où se trouve la Mairie de l'arrondissement (2) qui abrite alors la bibliothèque. Il y fait ses " humanités " avec ferveur, ignorant que plus tard, Püppchen, qu'il n'a pas encore rencontrée, habitera cette même rue, à quelques centaines de mètres de là.
Survient la guerre, le bombardement de l'usine Renault - où il ne sera resté que très peu de temps - le STO puis le retour de Basdorf et la clandestinité forcée qui l'oblige à traverser la rue. Antoinette le confie à Jeanne, sa couturière et à Marcel.
Le voici Impasse Florimont (3).
Tout a été écrit sur les 22 ans de sa présence Impasse Florimont. Il en reste les marques de souvenirs, officielles, comme la plaque apposée par la ville de Paris, ou amicales, comme ces chats en terre cuite offerts par une admiratrice belge ou la plaque gravée par Renaud à l'initiative de fidèles et avec le soutien des Amis de Georges.
Pour lire l'invitation des initiateurs de cette cérémonie et le discours d'André Tillieu prononcé à cette occasion (cliquer) :
Bien sûr, la fête se poursuivit en chansons. Il en reste une vidéo " d'amateur " :
L'Orphelin, par Maxime Leforestier
De plus, tout est fait pour que nul n'ignore qui a vécu ici : voici comment le passant découvre l'impasse en venant par la rue d'Alésia, depuis l'Est :
Une grande photo, des chats, deux plaques... c'est à voir :
L'impasse Florimont débouche donc rue d'Alésia, à peu près à mi chemin entre la rue Didot (4), à l'est, et la rue de Vanves (5) à l'ouest.
La rue Didot, qui porte le nom d'une célèbre lignée de typographes et d'imprimeurs, est l'un des itinéraires possibles entre la rue d'Alésia et la mairie-bibliothèque du XIV°. S'y trouvait, encore à la fin des années 1960, une cité faite de petites maisons au confort rudimentaire, peuplées d'artistes, plus bohèmes les uns que les autres, de paumés de passage, une sorte de cour des miracles qui a été rasée pour devenir une résidence autour d'un jardin. Il n'est pas impossible que la " Cité Bauer " (6) ait inspiré la " zone " où se déroule La Princesse et le croque-notes.
A l'intersection de la rue d'Alésia et de la rue de Vanves se trouve la station de Métro Plaisance. C'est là que Georges aborda cette jeune femme blonde, qu'il croisait régulièrement sans oser lui parler, qui deviendra Püpchen. C'était en 1947 et... il n'y avait déjà plus de rue de Vanves. Cette longue rue relie l'avenue du Maine, non loin de la gare Montparnasse et de la rue de la Gaîté (voir " Les bons enfants de la rue de Vanves à la Gaîté " du Vieux Léon), à la Porte de Vanves où se tenait la brocante où Brassens dénicha le recueil Emotions poétiques d'Antoine Pol qui contient Les Passantes. Cette brocante existe toujours, tous les samedis, à côté du lycée François Villon - nous sommes en pays de connaissance. En 1945 elle fut débaptisée pour devenir rue Raymond Losserand, du nom d'un résistant, conseiller municipal de l'arrondissement, chef du réseau local des FFI, fusillé par l'occupant en 1942.
Autrement dit, la même histoire que la rue de l'Hospice, à Sète, qui devint rue Henri Barbusse, prix Goncourt de littérature en 1916, pour Le Feu, qui relate l'horreur des tranchées. Et comme Raymond Losserand, Henri Barbusse était membre du Parti Communiste.
Brassens a-t-il connu, après celle de la rue de Sète une nouvelle " tristesse d'Olympio " comme il le chante dans Jeanne Martin ? L'histoire ne l'a pas dit, lui non plus.
D'ailleurs bien des " vieux " habitants du quartier appellent encore avenue d'Orléans et avenue de Châtillon celles qui, depuis des lustres, sont dédiées respectivement au Général Leclerc et à Jean Moulin, et place d'Alésia celle qui porte les noms de Hélène et Victor Basch, exécutés par la milice en 1944. Dans bien des esprits, la rue de Vanves a, elle aussi, conservé son nom...
En 1966, Jeanne, veuve depuis peu, envisage de se remarier. Pour que Georges désapprouve ce projet et cette liaison, il faut que le futur époux, de 37 ans plus jeune que Jeanne, soit un personnage peu " recommandable ". Toujours est-il qu'il décide de quitter l'impasse Florimont, où il a tant de souvenirs. Il reste dans le XIV°, plus au nord, et s'installe au Méridien (7). Dans cet immeuble, il a pour voisins Jacques Brel et Raymond Peynet, le dessinateur. Au service de Monsieur et Madame Peynet se trouve Sophie Duvernoy. Elle ne les suivra pas dans le midi et deviendra la " fée du logis " chez Georges, à l'origine du qualificatif de " Bon Maître ". Mais il suffit de voir une photo du lieu pour deviner que le cadre et l'ambiance du Méridien ne pouvaient longtemps convenir à Brassens...
Il déménage donc en 1970 et s'installe dans une maison de la rue Santos-Dumont (8). Il est, de nouveau, au calme, mais... dans le XV° !
Heureusement, il a l'occasion de retrouver l'arrondissement où il a vécu une grande partie de son existence lors de chaque passage à BOBINO (9), rue de la Gaîté (ci-dessous en 1973).
Mais à propos, d'où vient ce nom de Bobino ? Et quelle est son histoire ?
Voici deux documents en guise de réponse :
Noir & Blanc, 5 janvier 1967
Programme Bobino 1982
Depuis 2013 une statue de Georges, œuvre du sculpteur Olivier Delobel, accueille les spectateurs.
Et pour terminer cette visite du XIV° arrondissement, signalons, au Nord-Est, la prison de la Santé (10), où fut envoyé " se refaire une honnêteté " Celui qui a mal tourné.
Mais le voyage serait incomplet sans la place Denfert-Rochereau. Denfert, comme on dit ici. Et depuis longtemps d'ailleurs : jusqu'au XIX° siècle, l'ouverture du mur d'octroi qui s'y trouvait était appelée barrière d'Enfer. Cette place est également célèbre par la présence d'une réplique du Lion de Belfort, de Bartholdi, en l'honneur du colonel Denfert-Rochereau, héros du siège de Belfort durant la guerre de 1870. C'est ce lion qui, sous son manteau de bronze vert, tremble quand les loups vont entrer dans Paris...
C'est à Denfert, sur le quai du métro, que Brassens fait la rencontre, en 1945, de Jeanine, qui se fait appeler Josette et qui deviendra vite " la petite Jo ". Mineure, mythomane, peu scrupuleuse, elle fit vivre à Georges (et à bien des copains sollicités pour l'héberger) deux ans d'une liaison... compliquée. Elle a sans doute inspiré Putain de toi, la version que nous connaissons du Mauvais sujet repenti - dont les derniers couplets ont un caractère auto-biographique sur lequel nous ne nous attarderons pas - (nouvelle mouture de Souvenirs de parvenue, qui avait déjà beaucoup de succès auprès des camarades du camp de Basdorf), et, au moins en partie Une jolie fleur. En partie seulement ? Ceci est une autre histoire (à suivre, dans le chapitre " A propos de " avec " Le bout du cœur "...).
Les ponts
Le premier à apparaître dans le répertoire est, bien entendu, dans Le Vent :
Il faut ensuite attendre le dernier arbum et Les Ricochets pour rencontrer d'autres ponts sur la Seine.
Donnons, à notre tour un "coup de chapeau" : Apollinaire par lui-même :
Entretien avec Max-Pol Fouchet - RTL, 13 octobre 1969
Ce n'est pas le plus proche de la rue d'Alésia (et donc de l'impasse), puisque le cimetière de Montrouge (non cité dans la Ballade) est en limite sud du XIVème arrondissement. Pourtant Brassens y « possédait » bien un tombeau. Et nous retrouvons la tante Antoinette :
La chanson date de 1961. Marcel Planche viendra y reposer plus tard (1965), puis Jeanne (1968).
De bouche à Orteils, Radio Libertaire, 1986