Paul Fort
Le poète dont Brassens s'est senti le plus proche. D'ailleurs il le dit (cliquer) Brassens parle de Paul Fort
"Je coupais des strophes, comme dans La marine...". C'est peu dire. Et la lecture de l'original montre que ces coupures ôtent à L'amour marin son caractère désanchanté, et pour tout dire sombre (voir la dernière strophe). A part ce choix délibéré, les variantes se limitent à deux petites modifications de tournures et à deux permutations de strophes.
cliquer pour lire L'amour marin
L'amour marin est donc un recueil publié en 1900, qui débute par un poème de même titre, qui donnera La marine. En poursuivant sa lecture, Brassens a été attiré par le deuxième poème, intitullé La corde et il l'a mis en musique.
Dans ces année-là, il partageait la scène des 3 Baudets et les tournées "Festival du disque" de Jacques Canetti avec Mouloudji, qui en était la tête d'affiche.
Photo : archives Ouest-France
Georges proposa donc La corde à Marcel. Celui-ci ne la mit pas à son répertoire, mais ne l'oublia pas : beaucoup plus tard il la fera connaître à son fils, et Grisha
l'enregistra en 1987. Voilà donc une chanson qui relève à la fois du présent chapitre, puisque le texte est de Paul Fort (avec une seule petite variante), des "Chansons pour les autres", et aussi
des "Chansons posthumes". Pour l'entendre, rendez donc une petite visite à notre ami Pierrot. Et ne restez pas attaché à cette corde, car il ya beaucoup à découvrir sur Ma petite
chanson.
Comme il le raconte, c'est donc à propos du Petit cheval que Brassens a cherché à rencontrer Paul Fort. Mais cette chanson a une autre histoire : Jacques Grello, un chansonnier célèbre à l'époque, a beaucoup encouragé Brassens, essayant (sans succès) de lui ouvrir les portes des cabarets où il se produisait, lui offrant même une guitare qu'il s'était achetée avec un trop-perçu d'impôts qui lui avait été remboursé. Sa fille Catherine, agée de 8 ou 9 ans, devait apprendre pour l'école la "Complainte du petit cheval blanc". Comme elle n'y parvenait pas, Georges lui ajouta une musique pour lui faciliter la tâche. Ainsi est née la chanson.
C'est sans doute ce qui explique qu'il y ait très peu de variantes par rapport au texte original : les bis, bien sûr et un "tous derrière" remplaçant "eux derrière". Tout le monde a dans l'oreille les paroles de la chanson, voici l'original, dit par l'auteur (cliquer sur le dessin) .
Paul Fort
Portrait à la plume de Gino Severini, 1945
Deux autres comparaisons entre texte original et version chanson (cliquer sur l'icône) :
Comme hier Si le bon dieu l'avait voulu
A propos de ce dernier poème, Bertrand Dicale, dans son livre "Brassens ?", a relevé une parenté frappante avec le texte d'une chanson de Gustave Nadaud (cliquer pour lire) :
Voilà une parfaite illustration d'une citation qu'utilisait souvent Brassens dans les entretiens radiographiques :
"Un auteur est quelqu'un qui trouve dans les livres tout ce qui lui passe par la tête"
Brassens a également enregistré, pour un 45 Tours "Hommage à Paul Fort", 3 poèmes sans musique, et donc sans variante de texte : A Mireille dite "Petit verglas", Germaine Tourangelle et L'enterrement de Verlaine.
Mais à l'origine, ce dernier titre était destiné à une chanson. Brassens raconte dans une émission de radio (Campus), qu'il a mis en musique L'enterrement de Verlaine au tout début de sa carrière, et qu'il l'a d'ailleurs chanté à Paul Fort. Plus tard, il a repris cette musique pour La marche nuptiale.
A signaler : Verlaine était témoin (ainsi que Malarmé) lors du premier mariage de Paul Fort en 1891.
La dernière trace de Paul Fort est une curiosité : une chanson dont le texte a deux auteurs.
Brassens trouve sur la page de garde d'un ouvrage de Paul Fort quelques vers qui l'attirent.
Ils avaient été publiés dans "Fantômes de chaque jour" (1925).
Brassens compléte ce poème, trop court pour une chanson, en utilisant les deux premiers vers comme une sorte de refrain.
Mais les choses en restent là, il n'écrit pas de musique pour ce texte. C'est en 1986 que Eric Zimmermann reprendra "Il faut nous aimer vivant", le mettra en musique et l'enregistrera. (voir plus bas).
Paul Fort meurt le 20 avril 1960, à 88 ans. Brassens parle de l'enterrement de son ami (cliquer sur la radio).
Finalement il ne mettra jamais ce poème en musique. Koen de Cauter, interprète belge, le fera, dans un album hommage.
Antoine Pol
Les passantes
L'histoire de cette chanson est connue. Ecoutons Georges la raconter (cliquer sur la photo d'Antoine Pol).
Antoine Pol lui a écrit, en effet :
Il habitait donc rue La Fontaine ! Cela ne s'invente pas...
La rencontre n'eut donc pas lieu en 1971,mais elle aurait pu se produire beaucoup plus tôt.
Antoine Pol connaissait Paul Fort, qui l'avait encouragé.
Antoine avait même aidé Paul financièrement.
En 1960, il était à Montlhéry pour l'enterrement de Paul Fort.
Il avait aperçu Brassens, mais ne pouvait pas se douter que celui-ci connaissait ses poèmes.
Brassens, lui, ignorait tout des relations entre les deux poètes.
Rencontre manquée.
Reste la rencontre entre le poème et la musique.
(cliquer sur l'icône pour le sexte complet)
Pour la musique, voir plus bas deux versions instrumentales.
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Gustave Nadaud
Il a été question de lui un peu plus haut à propos d'une chanson qui a sans doute inspiré Paul Fort. Brassens a eu entre les mains au moins une partie des textes de ses chansons, et en a mis en musique deux. ll a enregistré Le roi boiteux et Carcassonne dans un album portant le titre "Brassens chante Bruant, Colpi, Musset, Nadaud, Norge", disque sur lequel on trouve aussi Maman Papa (en duo avec Patachou), et Elégie à un rat de cave. C'était en 1979 à l'occasion d'une série d'émissions "Pirouettes", sur Europe N°1.
Le roi boiteux fait partie de ces chansons dont beaucoup ont cru qu'elle était de Brassens, tellement elle semble lui convenir. Elle l'est d'ailleurs en partie, puisqu'il en a fait la musique.
Quant au texte, il n'y a apporté que très peu de variantes (cliquer)
Connaissait-il la musique de Gustave Nadaud lui-même ? Sans doute pas. Nadaud, qui n'était pas que parolier, est donc l'un des premiers de ce qui a été appelé plus tard les "Auteurs-Compositeurs-Interprètes".
Il y a quelques temps, notre ami Pierrot nous faisait découvrir ses trouvailles lors d'une brocante Ici.
Parmi celles-ci, la partition de la version de Nadaud. Et une partition est faite pour faire vivre les notes qu'elle porte. Alors ne nous privons pas.
Le roi boiteux
Version originale de Gustave Nadaud
par "l'ami Pierrot" : Pierre Cardinaux
(cliquer sur la photo)
Carcassonne
Version originale de Gustave Nadaud
par "l'ami Pierrot" : Pierre Cardinaux
qui vraiment aura tout fait ici : il a trouvé la partition et il la chante en s'accompagnant, mais de plus, c'est lui qui a déniché cette carte postale ! (cliquer sur la photo)
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Alphonse de Lamartine
Pensée des morts
Et si la chanson que Brassens a tirée de ce poème s'était appelée "Pensées d'automne" ? Car c'est la première strophe qui l'a attiré. D'ailleurs, il raconte (cliquer) Pensées d'automne
Et non, elle n'a pas été très connue à sa sortie. Comme d'ailleurs la grande majorité des titres de cet album X. Bécassine, L'Ancêtre, Sale petit bonhomme ont été négligés. La religieuse a subi, qu'on le veuille ou non, une forme de censure. Ne parlons pas des Oiseaux de passage ou de La rose, la bouteille et la poignée de main, qui passèrent totalement inaperçues, cette dernière figurant même à la dernière place d'une liste établie par les auditeurs d'une émission de radio ! Alors un poème sur la mort... un de plus, et romantique, qui plus est ! Pendant ce temps, les radios diffusaient exclusivement Rien à jeter et "le tube" de l'album : Misogynie à part.
Sans commentaire...
Le texte intégral est très long et comme à son habitude Brassens a fait son choix de strophes. Tiré d'un recueil titré "Harmonies poétiques et religieuses", ce poème le justifie pleinement ! Brassens a, d'entrée, exclu la deuxième partie, où la métrique change, et la troisième, revenue à la métrique de départ, qui sont toutes deux consacrées à la "gloire divine". Des 14 strophes de la première partie, il en a seulement conservé cinq, sans autre modification que l'inversion de deux d'entre elles. Puis, et c'est sans doute ici que l'on trouve son adaptation de forme la plus "audacieuse", il a construit une strophe avec deux, modifiant au passage deux tournures de la seconde. Enfin, il a conclu en reprenant la strophe initiale, pour aboutir aux sept couplets de la version chantée.
Cliquer sur l'icône pour voir le texte original
Les commentaires qu'il apporte à propos de ce poème sont une occasion d'entendre sa manière de concevoir la poésie, aussi bien du point de vue de l'auteur que ce celui du lecteur ou de l'auditeur (cliquer) Un poème symboliste
Deux petites remarques : Franz Liszt a composé des pièces pour piano seul inspirées de dix des poèmes de ce recueil, dont Pensée des morts. Et Paul Fort compte parmi les lecteurs : "Ta poussière et ma poussière seront le jouet du vent", qu'on trouve dans Il faut nous aimer vivants (voir ci-dessus), rappelle "Ils furent ce que nous sommes, poussière, jouet du vent", vers qui débutent la troisième partie de Pensée des morts.
Cette chanson ne figure au répertoire que d'un petit nombre d'interprètes, et elle est très rarement entendue lors des festivals. Ci-dessous la version du Quatuor l'Amandier, riche surtout des arrangements d'Oswald D'Andrea.
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François Villon
Ballade des dames du temps jadis
Dès qu'il a connu une petite notoriété, Brassens a été associé à Villon. Le premier à avoir proposé ce parallèle est sans doute une rédacteur du Dauphiné Libéré. Voici en effet ce qu'on peut lire, dans l'édition du 31 juillet 1952, dans le compte-rendu de l'un des premiers concerts de la première tournée à laquelle participait Georges. Les vedettes en étaient Les frères Jacques et Patachou, et Brassens n'a droit qu'à quelques lignes. Mais ce sont les premières publiées par la presse française à son sujet.
Cette comparaison n'était pas pour déplaire à Brassens, et il s'en explique (cliquer)
entretien avec Luc Bérimont, 1954
..."J'ai dû lui voler quelque chose" ! Peut-être, mais en mettant en musique la "Ballade des dames du temps jadis", il lui a bien rendu en même temps qu'il nous l'a offert, et il en est conscient (cliquer).
Mais qu'a-t-il fait à cette ballade pour la transformer en chanson ? Le texte de Villon a la forme d'une "ballade carrée", composée de 3 strophes de 8 vers, chaque vers comportant 8 pieds. Ces 3 strophes sont suivies d'un "Envoi" de 4 vers.
Brassens a "cassé" cette structure, ce qui est un exemple de circonstance où les adaptations du texte ont été soumises aux exigences musicales. Les 4 premiers vers restent dans une tonalité stable. Les deux suivants offrent une échappée à la fois mélodique et harmonique. Mais il faut "refermer" le couplet, et la strophe n'offre plus que deux vers. Brassens a donc décidé de les bisser. La première fois ils se terminent "en suspension", la seconde ramène à la tonalité d'origine.
Sur le plan littéraire, cette ballade a été de très nombreuses fois analysée, donnant lieu à quelques "querelles d'experts". 'une des questions posées étant la nature de cette sorte d'hommage rendu à quelques dames du passé.
Et si elles n'avaient été que des statues ? ... de neige, bien entendu.
C'est l'hypothèse que propose l'étude que vous pouvez lire ici (cliquer).
Ci-dessous, la version du duo "A mon frère revenant d'Italie", nos amis Andrea et Franco.
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Les passantes
Roland Dyens et le Quatuor Enesco Moustache, Lionel Hampton, Henri Salvador
(cliquer sur la pochette) (cliquer sur la photo)
Ballade des dames du temps jadis
Andrea Belli & Franco Pietropaoli
(BRASSENSIADES 2012)
Pensée des morts
Arrangements Oswald D'Andrea
par le Quatuor l'Amandier
(Théâtre de Morteau, 1 octobre 2011)
Vidéo : Jean-Pierre Bolard
Le roi boiteux
par Pierre & Willy
( Brassensiades 2008 )
Il faut nous aimer vivants
(cliquer sur la photo)
L'enterrement de Verlaine
La marine
par Raymond Devos
Le petit cheval
par Georges Brassens & Nana Mouskouri